10 févr. 2018

A L'OFFICE : le prévôt.

Après la peste, la froidure et les famines, la prospérité retrouvée


Les saisons ne sont plus aussi dures qu'au XIVe siècle, la douceur du climat favorise les récoltes.

C'en est aussi fini de la Grande peste noire, issue des puces de rat et arrivée avec les navires génois par Marseille en 1347. La maladie a inondé toute la France et l'Europe en deux ou trois années épouvantables, à la vitesse des fuyards. Que l'on se souvienne de l'hiver 1348-1349 annoncé par le présage d'une étoile très grande et très claire : "la tierce partie du monde mourut", en particulier les enfants.


Rien n'y a fait contre cet invisible venin qui tue en 2 ou 3 jours : ni le masque en forme de bec d'oiseau, empli d'herbes odorantes, ni même cette bague ornée d'un diamant que l'on s'est mis à porter à la main gauche comme un talisman, et que les jeunes fiancées portent encore aujourd'hui.


Et depuis : tous ces villages abandonnés, les friches et les forêts grandissantes..., la cherté de la main d'œuvre.

A chaque saison son labeur


Pour repeupler les terres abandonnées, le seigneur consent au paysan un bail "à moitié", avec partage des investissements et des fruits : le métayage, à la place du servage.

Le "tènement" féodal constitue la métairie.

La culture alterne : d'abord le froment et le seigle, puis l'orge ou l'avoine et enfin la jachère. Le laboureur travaille en "dariolant", en chantant pour encourager ses bœufs avec des clameurs venus du fond des temps.


Le célèbre traité d'agronomie du bolognais Piétro de Crescenzi du début du XIVe siècle, dit "calendrier Rustican", illustre les 12 mois de l'année, ici, avec ses enluminures du XVe siècle :
- Janvier (l'extraction de l'argile sous la neige) : l'entretien des bâtiments
- Février (l'épandage des fumures animales)
- Mars (la taille de la vigne)
- Avril (la tonte des moutons)
- Mai (la chasse au faucon)
- Juin (la fenaison)
- Juillet (la moisson)
- Août (le battage du blé)
- Septembre (les semailles)
- Octobre (le foulage du raisin)
- Novembre (la glandée)
- Décembre (l'égorgement du cochon)




C'est la cloche qui, depuis la première croisade et régulièrement depuis le milieu du XVe siècle, rythme la journée de travail, jusqu'à l'Angélus du soir.
Avec les fêtes liturgiques, on chôme un tiers de l'année.

Il en allait des saisons comme des fluctuations des "humeurs" de l'homme :
- la bile rouge, chaude et sèche en été
- la bile noire, froide et sèche en automne,
- le phlegme, froid et humide en hiver.

Résultat de recherche d'images pour "feu de saint antoine moyen age"Au nombre des fléaux agricole, l'ergot de seigle est proche de la lèpre : ce "mal des ardents" ou "feu de Saint Antoine" lié à l'apparition d'un champignon toxique sur le seigle provoquait la gangrène et  la mort.


Pour une immersion dans la vie rurale du XVe siècle :
http://s419357288.siteweb-initial.fr/articles/prise-de-vues-pour-les-fermes-de-xaintrie/

Le Vieux coustumier du Poictou de 1417


Quelle fierté ! Le dauphin Charles lui-même ("Roi de Bourges") devint Comte de Poitou en 1416, à la mort de Jean de Berry. Ainsi en allait-il des apanages, qui revenait dans ce cas au Domaine royal. C'est à cette époque que l'on rédige en latin, de manière manuscrite, une coutume du Poitou à Parthenay en 1417, car l'imprimerie n'est pas encore arrivée jusque là.

Selon la coutume, "le seigneur chastelain est fondé de droit commun par la coustume d'avoir chastel et chastellenie, haulte justice (avec prison) moyenne et basse. Et peut avoir et tenir justice , et forches patibulaires à trois pilliers en tiers pié, et avoir seaulx à contraitz, et en sa chastellenie foyres et marchez en son lieu principal". Il est également "fondé d'avoir grande (4 fois par an) et petite assise (tous les huit jours) laquelle en aucuns lieux est appelée prévousté". Il devait dès lors avoir un juge "de prévousté" pour la petite assise et un sénéchal pour la grande.

"Et peut le seigneur chastellain ou son senechal et Bailly mectre et instituer sergens".

Pour lire une sentence de 1457 concernant Guy de Montfaucon, chevalier, seigneur de Saint-Mesmin
http://coutumiers.edel.univ-poitiers.fr/viewer/show/2#page/n344/mode/1up


Taille, gabelles, aides : des impôts royaux en plus des impôts seigneuriaux et ecclésiastiques


Le régisseur conservait le censier pour répertorier certaines recettes seigneuriales, et le "livre terrier" où les tenures paysannes étaient listées : ce nouvel outil qui se généralise au XVe siècle permet d'optimiser la gestion de la seigneurie.

Les tenanciers devaient en effet s'acquitter, en espèces ou en nature, des impôts seigneuriaux (le cens ou loyer de sa terre le 9 octobre à la Saint Denis - pas trop cher, le champart - plus lourd, une gerbe sur dix sur la récolte) une fois par an, et des redevances banales : pour le four, le pressoir, le moulin. Sans parler des corvées à réaliser.





Il y aussi les corvées comme celle de curer les fossés, de couper les arbres...

Les impôts ecclésiastiques pèsent au dixième des revenus.

Il fallait aussi s'acquitter des impôts du roi : le fouage remplacé par la taille (quand il y des besoins de guerre), la gabelle sur le sel, et les aides sur toutes sortes de marchandises.

Le bruit court déjà que pour financer la nouvelle armée, le roi demandera aux Etats généraux de langue d'Oïl une "taille des lances" ... tous les ans ! pour solder l'infanterie des francs archers, créée en 1448.

Les monnaies et l'apparition du franc


Les monnaies seigneuriales, issues de la féodalité, perdurent jusqu'au XVIIe siècle, aux côtés des monnaies royales. Et puis il y a les monnaies étrangères qui circulent.

On utilisait généralement une monnaie fictive pour compter : la livre tournois. Une livre fait 20 sous, et un sou 12 deniers. Et l'on gagne 2 sous à bêcher un jardin, et 8 ou 10 deniers pour remuer le blé dans un grenier, ou pour toute solde d'homme d'arme à pied. Plus petit que le denier : l'obole.

On utilisait également une monnaie réelle.

Au nombre de ces monnaies, on compte l'écu d'or, le "mouton", le "royal" pour les monnaies d'or, et des monnaies "blanches" (d'argent) telles que gros, le demi-gros, le blanc.

Les paysans ne maniaient que la "monnaie noire" : le billon fait d'argent et de cuivre, sous forme de double, denier, maille...

Depuis 1360 existait le "franc" or (franc "à cheval" et franc "à pied"), qui commémore la libération de Jean II Le Bon contre rançon (3 millions d'écus soit plus de 12 tonnes d'or, en plus d'un quart du royaume !) depuis sa capture à la bataille de Poitiers en 1356.

Jean II le Bon - Franc à cheval
Grand franc d'or ou "Franc à cheval" (Jean II le bon), diffusé à 3 millions d'exemplaires.


1 franc valait 1 livre tournois. On pouvait distinguer ce franc "de bon aloy" (de bon alliage d'or), de la fausse monnaie, de deux manières "sonnantes et trébuchantes" : par le son clair que la pièce faisait en tombant et par le trébuchet (petite balance) donnant le poids.

Seuls les jongleurs avec leurs numéros de singes savants pouvaient, depuis Saint Louis, "payer en monnaie de singe" (sans frais moyennant un tour de passe-passe) pou traverser le Pont reliant Notre Dame au quartier Saint-Jacques.

Le franc, un temps rétabli comme bonne monnaie par Charles VII jusqu'en 1423, disparut ensuite pendant 150 ans au profit de l'écu d'or à la couronne.

Un cas de fausse-monnaie est bien connu au milieu du XVe siècle : celui de Pierre Chommeliz, paysan ruiné par les routiers qui incendièrent sa maison non loin du Puy-en-Velay. Il fut amené à couler dans des moules des monnaies noires et des "gros", dorés ou argentés, mous comme de la cire. Une monnaie grossière en ressortait pour être parcimonieusement écoulée sur les marchés, en évitant tout contact avec les marchands. Le contrefacteur encourait la triple peine atroce d'être traîné, bouilli, puis pendu : Pierre Chommeliz put y échapper en s'évadant de prison, et fut finalement gracié par Charles VII.

Un faux-monnayeur ébouillanté  Les coutumes de Toulouse, XVes.  BnF, Département…


Halles, foires et banalités 



Blason de Saint-Mesmin
Blason actuel de la Commune de Saint-Mesmin
De sinople au lion d'or, au chef bastillé du même chargé d'un rencontre de bœuf de sable, accosté de deux marrons du même dans leurs bogues de sinople, feuillés du même
Au dessus du lion des Montfaucon : le bœuf et les châtaignes témoignent encore de la prospérité d'antan

Au XVIIIe siècle encore, comme en témoignent Les petites affiches du Poitou de 1779, Saint-Mesmin la Ville était toujours "un lieu considérable où il y a encore des halles et deux foires, l'une le jour de la Sainte Catherine, l'autre le 24 de ce mois [de mars]".

On peut penser que ces foires étaient déjà établies au XVe siècle.

Toute bonne seigneurie s'organisait avec son four (taxé par le fournage), son moulin et son pressoir banal.


Justice seigneuriale


Le seigneur de Saint-Mesmin avait droit de basse justice, mais aussi de haute justice : lui donnant droit de geôle, et de vie et de mort sur ses terres. Il disposait de plusieurs officiers seigneuriaux : un garde des sceau, deux notaires, un prévôt ou un sénéchal (juge) dont la maison, encore existante, s'appelait le "parquet".

Source : puystory.fr


Sacs à procès



Le seigneur pouvait ainsi détenir le "sel à contrat", et tenir sa grande "assise" quatre fois l'an et non plus, et sa petite assise (prévôté ou plaid) chaque mois, quinzaine ou huitaine

Non loin de là, le bois des justices, aujourd'hui disparu, était le lieu des fourches patibulaires (gibet) de la seigneurie, situées sur un point haut à 800 m du château, selon les recherches du Dr Emile Boismoreau.

Ces fourches devaient être, conformément à la coutume de Poitou, "à trois piliers en trois pieds".

Ce rocher préhistorique, de 3 à 5,50 m de haut, aurait aussi servi de pierre à sacrifices au temps des druides et des gaulois. Le sang coulait par les rigoles.







Mais il fut détruit vers 1922 à la dynamite par des propriétaires voisins, en représailles du canardage d'un calvaire situé non loin de là (chemin de Purchain) un soir de chasse par le même Dr Boismoreau !

Source : Dictionnaire topographique de la Vendée, renseigné par Joseph Teillet, article "Saint Mesmin - Bois des justices (le)".


"Certaines nuits, écrit le Dr Boismoreau, il y a comme un sabbat à l'entour des roches. Et, par les grands vents, on entend distinctement les cris et les hurlements des damnés ! Fadets, lutins, garous et sorciers hantent la pierre du bois des justices, comme les autres. Ils y dansent une sarabande effrennée, accompagnée des cris lugubres des chouettes, des hiboux et des frésaies. - Il n'y fait pas bon y passe de nuit, disent les paysans"


Les trois ordres de la société


Dans la maison de Dieu, il y a ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent.

Résultat de recherche d'images pour "trois ordres de la société médiévale"

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