9 févr. 2018

DANS LA BASSE COUR : des pélerins ?

Les jacquets



Ils reviennent de Galice, après avoir prié le 25 juillet sur la tombe de Jacques de Zébédée, frère de Jean l'évangéliste - Saint Jacques le Majeur, en cheminant depuis Saint-Mesmin par la route bretonne (Bressuire, Parthenay) rejoignant la "via Turonensis" (voie de Tours) à Poitiers, Saintes, Bordeaux, Roncevaux.

Saint Jacques était pêcheur sur le lac de Tibériade et il avait suivi Jésus, qui le surnommait "le fils du tonnerre".




L'un des pèlerins s'y est rendu par procuration du seigneur, et rapporte la compostella, une lettre sous scel authentique. L'autre y est allé avec les chaînes faites dans l'acier de son épée, pour l'allègement de sa peine d'homicide.

Pour preuve, ils portent la coquille sur leur chapeau, leur manteau et leur bâton.


Pièce de fouille trouvée aux Pays Bas
Ces jacquets reviennent en hommes nouveaux, repentis et nimbés de paix et de charité. Ils racontent ce qu'ils ont vu en chemin, les anglais, les passeurs-bandits, coupe-jarrets, tire-laines et coquillards... leurs hébergements de fortune, dans les maisons-Dieu ou les belles maisons bourgeoises.

Saint Jacques était venu évangéliser l'Occident avant d'être décapité à son retour en Palestine. Ses restes furent ramenés en Espagne par sept de ses compagnons à bord d'une frêle embarcation.

La tombe fut miraculeusement découverte par l'ermite Pelage au IXe siècle, averti en songe et guidé par une pluie d'étoiles (Compo-stelle : champ des étoiles). On dira aussi (chronique de Turpin) que Charlemagne reçut l'ordre de Saint-Jacques de délivrer son tombeau alors aux mains des maures, en suivant une voie lactée, et qu'il connut à son retour vers Aix-la-Chapelle la cuisante défaite de Roncevaux.

Le pape Calixte II instaure au XIIe siècle une indulgence, tous les 6 ans l'année jacquaire permet aux pèlerins de laver tous leurs péchés.

Au début du XVe siècle, ce pèlerinage est à son apogée, mais il n'est pas encore déclaré par la papauté comme l'un des trois grands pèlerinages officiels de la chrétienté (avec Jérusalem et Rome) et, avant la découverte des Amériques, Saint-Jacques est encore le bout du monde vers le couchant, le "finisterre"...

Les limites du monde connu


Dans la perception médiévale qui perdure encore au XVe siècle, le monde est formé d'un vaste cercle (un "O") entouré par une mer infranchissable, où les trois continents sont séparés par le Nil et le Danube (en "T") : forme de la croix du Christ.

C'est l'Orbis Terrarum avec à l'Est, où le soleil se lève, l'Eden et Jérusalem surplombant les trois continents que les trois fils de Noé se partagèrent après le déluge : en haut l'Asie des hommes libres pour Sem, et en bas, l'Europe des guerriers pour Japhet et l'Afrique des esclaves pour Cham.

Résultat de recherche d'images pour "orbis terrarum eden"     Résultat de recherche d'images pour "orbis terrarum eden"

Résultat de recherche d'images pour "orbis terrarum eden"


Image associée

Au centre de la mappemonde d'Ebstorf (XIIIe siècle) se trouve le tombeau du Christ : qui est le centre de la terre, le zenith sans ombre au moment du solstice d'été le 21 juin à l'heure de midi.

A droite, l'Orient et le Paradis marquent le début du monde. A gauche : Compostelle et la cathédrale Saint Jacques marquent la fin du monde sur le rivage de l'extrême occident, avec la construction du "portail de la gloire" dans les années 1188. Il délimite donc à la fois le bout et la fin du monde.



En pays toulousain, le miracle du pendu-dépendu


C'était au XIIe siècle. On raconte qu'un pèlerin allemand et son fils Hugonel allaient vers Compostelle mais un aubergiste cupide (d'autres disent que c'était une servante amoureuse mais repoussée par le fils) cacha dans leurs bagages une coupe d'argent. Dénoncés puis jugés, ils se virent confisquer tous leurs biens, et le fils, jugé, fut pendu. Mais à son retour du pèlerinage, le père éploré vit sur la potence que son fils, bien vivant, avait été soutenu par Saint Jacques pendant 26 jours !

Alors le père vint trouver le juge en sa demeure, où venait de rôtir dans l'être des poulets, pour obtenir la dépendaison : "si ton fils est vivant, que cette poule se mette à chanter dans mon assiette". Et la poule caqueta !

En mémoire de ce miracle, il y a toujours dans la cathédrale de Saint Jacques une poule et un coq blancs, et le pèlerin mettait une plume blanche à son chapeau.

Le costume du pèlerin


Le costume du pèlerin, transformé au XVe siècle, est alors fait :
- d'une cotte descendant jusqu'aux genoux ou aux pieds surtout pour les femmes, et tenu par une corde à la taille
- d'une pèlerine pour se protéger du mauvais temps (une vaste cape les couvrant jusqu'aux chevilles),
Image associée- d'un chapeau rond aux larges bords abattus par devant, avec des "bourdonnets" accrochés dessus (petits bâtonnets taillés en forme de bourdon) ou des enseignes de plomb, et la plume du coq ou de la poule,
- de sandales
- d'un bâton à pommeau (ou bourdon) pour marcher et se défendre contre les loups et les chiens,
- d'une besace ou "escharpe" en peau de bête (pour lui rappeler qu'il mortifie sa chair), et ouverte pour lui rappeler qu'elle est faite pour donner comme pour recevoir la pitance,
- d'une calebasse ou courge séchée,
- d'une boîte à outils, car il faut au XVe siècle être munis, d'autorisations, sauf-conduits, lettres d'autorisation, passeports ou billets de confession...
- d'un patenôtre (chapelet) qui commence aussi à sa généraliser.



Bernouil - Statue pierre XVIe s.
Statue du XVIe (Bourgogne)


La rémission des péchés


Comme donnent à le voir encore aujourd'hui les peintures murales de l'église Saint-Martin-de-Tours à La Pommeraie-sur-Sèvre, redécouvertes vers 1880, l'homme du XVe siècle est enchaîné par les sept péchés capitaux qui le tirent vers l'enfer : l'acédie (tristesse mêlée d'inquiétude et de lassitude spirituelle), l'orgueil, la gourmandise, la luxure, l'avarice, la colère et l'envie.

Résultat de recherche d'images pour "peintures eglise de la pommeraie sur sevre"
De gauche à droite : la gourmandise (un homme joufflu mangeant et buvant, sur un porc), la luxure (une femme sur une chèvre), l'avarice (sous les traits d'un vieil homme sur un loup, tenant son escarcelle à deux mains)


Le pèlerinage chrétien lui permet de cultiver les sept vertus que sont d'abord la Foi, l'Espérance et la Charité, et ensuite la justice, la prudence, la tempérance et la force d'âme (c'est-à-dire le courage).

L'insécurité des chemins


Les pèlerins ont croisé sur la route des "écorcheurs", troupes d'occasion fidèles du parti Armagnac (au contraire des routiers), plus ou moins gagées par Charles VII, pillardes et indisciplinées.

Ils ont aussi vu des loups en abondance, ces "bestes noires" féroces et compagnons du diable, que l'on peut librement chasser depuis l'ordonnance de Charles VI de 1413. Mais en réalité, ils n'étaient dangereux que pour les enfants, et tout autant que les porcs.



L'indulgence du pape Martin V de 1428


Au retour, les pèlerins sont passés à Rocamadour pour le "grand pardon" de 1428, lors du samedi saint précédant la grande fête de Pâques, comme en témoigne la sportelle qu'ils arborent.


Résultat de recherche d'images pour "sportelle"












Cette indulgence fut accorée par une bulle de 1427 du pape martin V, pour les intentions du Royaume de France et du Roi de Bourges en particulier… ce fut un prémisse spirituel à la mission de Sainte Jehanne d'Arc.




Liens favoris


http://lesmiracliers.over-blog.com/

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire